J’ai fait beaucoup de mathématiques financières et maintenant je pense que la finance est néfaste, qu’il faut organiser autrement l’économie et modifier ses institutions. S’expliquer sur l’évolution qui provoqua ce basculement n’est pas seulement un souci vis-à-vis de moi-même, c’est aussi témoigner du trajet d’un scientifique qui a ouvert ses préoccupations au dehors des critères disciplinaires pour penser le contexte de la région intellectuelle à laquelle il contribuait. D’autres chercheurs peuvent sans doute y reconnaître certaines de leurs interrogations.
Mes contributions personnelles à ce domaine sont modestes et aucune n’est éponyme comme celles de Black, Scholes, Merton, ou de Dupire, Vasicek, etc. En revanche j’ai vraiment œuvré à encourager autour de moi de jeunes chercheurs doués à s’orienter dans cette voie, contribuant dès le début (années 1980) à conforter ce courant appliqué de l’Ecole française de probabilités, très brillante et reconnue — le grand public ne le sait pas forcément — qui, avec l’Ecole japonaise avaient été les deux principales contributrices aux mathématiques utiles, par anticipation, à la finance.
Les mathématiques sont une activité dans laquelle on s’engage pour des raisons profondes qui touchent à l’inconscient par un plaisir supérieur. La fierté d’élucider des situations complexes se mêle à une sorte de transfert d’être estimé par ceux qu’on estime, nos professeurs d’abord — j’eus la chance d’en avoir de fascinants — puis les chercheurs éparpillés dans les universités du monde entier qui se préoccupent des mêmes questions difficiles. Cette aventure est jouissive au plus haut point [1]. Mais l’époque où les amateurs, en passe-temps culturel, pouvaient faire progresser les mathématiques est révolue. Le dix-neuvième siècle a trop apporté. Maintenant c’est une vocation qui demande beaucoup de lecture et surtout, de méditation, donc un temps plein ou presque.
Alors on se lance dans cette voie, sans penser vraiment à la situation du monde qui nous entoure, en faisant confiance à la société pour gérer les autres affaires. On est jeune, on s’imagine que le social est là, fonctionne, mis en place par les générations précédentes et finalement on se dit si je n’existais pas, la société saurait bien poursuivre sans moi, je justifie mon salaire par mon enseignement.
On retrouve certainement ce phénomène dans d’autres activités de création, le musicien doit consacrer une grande part de ses journées à la musique en faisant plus ou moins confiance pour le reste à la société telle qu’elle est.
Lorsque s’est produite la connexion historique entre les mathématiques et la finance, que j’ai décrite en détail ailleurs [2], bien sûr que nous avions vu le « danger » de travailler pour les banques. Nous en avons même débattu joyeusement par un colloque à l’Institut Henri Poincaré. C’était encore l’époque des deux blocs qui se reflétaient dans le monde universitaire, on était avant que l’ère néolibérale de Margaret Thatcher et Ronald Reagan n’eût commencé ses effets. Mais en fait, véritablement fascinés par la fécondité potentielle de cette nouvelle interprétation des objets stochastiques, nous nous faisions forts de ne prendre de ces applications suspectes, que ce qui intéressait véritablement les mathématiques, c’est-à-dire l’étude du mouvement brownien, du calcul d’Itô et des équations différentielles stochastiques.
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Et puis progressivement les choses ont évolué. De plus en plus de chercheurs quittaient les facultés pour aller dans les salles des marchés. Et nous prenions la mesure de la surprenante efficacité des idées purement mathématiques pour faire du profit.
Depuis la création du MATIF en 1986 qui marque le début des marchés dérivés organisés en France jusqu’à maintenant près de trente ans se sont écoulés qui ont bouleversé les repères : en premier lieu la globalisation néolibérale et la montée en puissance des marchés financiers avec les trois étapes successives des options sur actions, devises et matières premières, puis des options sur taux, et enfin au tournant du siècle la mise en marché des créances avec la titrisation. En second lieu la modification du monde académique avec ce que l’on appelle parfois l’économie de la connaissance qui a réussi, grâce aux systèmes des classements des revues, des chercheurs et des universités, à construire un marché des enseignants et des formations supérieures, ruinant de fait en quelques décennies et sans que personne ne parvienne à s’y opposer, des siècles d’indépendance universitaire.
Cette période est aussi celle d’une prise de conscience réelle des problèmes d’environnement, des dégâts causés par la pollution et des risques que fait courir la technique. Des intellectuels de bords très divers Ellul, Gorz, René Dumont, Georgescu-Roegen, Commoner, Jonas, Beck, le Club de Rome, posaient sérieusement le problème des limites de la planète et du flux d’énergie. Le GIEC éditait ses rapports successifs, alarmant sur les capacités de nos économies à changer de cap.
Influencé par les plaidoyers de Laurent Schwartz au cours de divers amphis sur l’importance de l’engagement [3], je lus ces auteurs et d’autres et me mis à travailler l’économie, cette science sociale mathématisée au cœur des débats entre la droite et la gauche. J’y trouvai un usage des mathématiques curieux, très élémentaire, du niveau de la classe de première, entouré d’un discours fortement orienté par une certaine vision de la société.
C’est dans ces années que je pris vraiment conscience que la finance gouvernait le monde. Et comme je savais bien comment elle fonctionnait, le rapprochement fut pour moi une révélation.
Ceux qui ne connaissent pas la finance de l’intérieur ne peuvent guère parler, et, de fait, ils se taisent, ils font confiance aux experts sur la base d’un assentiment sur une vision politique du monde. Ou bien, s’ils sont réticents, cherchent, pour critiquer, des légitimités dans des doctrines existantes plus facilement accessibles. C’est la force d’un témoignage — pas seulement comme point de vue individuel — mais témoignage d’un fonctionnement social dans lequel on s’est trouvé embringué.
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Changer d’avis, c’est nettoyer ses bottes. Oter la terre qu’on traîne avec soi, qu’on connaît, qu’on a aimé, la glaise nourricière qui colle. C’est prendre la mesure de son être, en tant que rejeton social, fabriqué par une matrice charnelle et par une histoire dédiée. Tenter d’échapper à une configuration ethnique ou religieuse héritée, refuser d’être le produit d’un milieu culturel et d’un inconscient individuel et collectif qui parle sans que nous le voulions. Travailler les bases de sa volonté.
Changer c’est rendre hommage à Freud pour qui le Wo es war soll ich werden représentait — sinon l’enjeu de la psychanalyse — du moins un projet de fonder la liberté du sujet sur autre chose qu’uniquement des insus.
De quoi s’agit-il dans le cas des Maths et de la finance ? Commençons par des comparaisons.
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Le syndrome Oppenheimer ?
C’est une histoire célèbre. Directeur du projet « Manhattan », le physicien Robert Oppenheimer est considéré comme le père de la bombe atomique américaine. Il fut désigné à cette responsabilité par le général Grove et constitua dans le laboratoire secret de Los Alamos une équipe de scientifiques de haut niveau parmi lesquels Niels Bohr, James Chadwick, Enrico Fermi, etc.
Après les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, la guerre finie, Oppenheimer considéra que ces armes devaient être contrôlées internationalement et s’opposa au développement de la bombe à hydrogène. A cause de ses prises de positions sur les risques d’une course à l’armement nucléaire, à l’époque du maccarthisme, il fut jugé et son certificat de sécurité révoqué. Il ne fut réhabilité politiquement qu’en 1963 et reçut du gouvernement des Etats-Unis le Prix Fermi.
Le cas Oppenheimer est complexe d’abord parce qu’il fut de ceux qui ont activement plaidé pour l’emploi de la bombe contre le Japon (little boy fut lâchée à l’heure où les mamans conduisent les enfants à l’école), et aussi parce que son attitude contre la bombe américaine après la guerre était sincèrement fondée sur la conviction qu’il fallait donner ses chances à l’expérience soviétique. Voir dans la revue Alliage n°22, 1995, l’intéressant article de Bruno Escoubès,
D’autres physiciens ont adopté une attitude similaire après avoir fortement contribué à la mise au point théorique ou opérationnelle de la bombe, en particulier Leó Szilard et Frédéric Joliot qui fut le premier signataire de l’appel de Stockholm de 1950 [4].
La visite du musée-mémorial d’Hiroshima est une expérience que je recommande. Ces brillants savants n’auraient-ils pas pu réfléchir avant. Le philosophe Karl Jaspers le dit très nettement et interroge à juste titre la position protégée — immature à son avis — du chercheur : « Ces savants qui, saisis d’effroi devant les conséquences de leur savoir, voudraient œuvrer pour le bien, l’humanité les écoute comme les arbitres suprêmes de la vérité. Mais le comportement des chercheurs montre qu’ils sont plus indécis que perspicaces. Einstein qui a déterminé Roosevelt à fabriquer la bombe atomique, par crainte de Hitler et des physiciens allemands qui étaient peut-être en train de la faire, de la mettre entre les mains de Hitler et de porter l’Allemagne hitlérienne à la suprématie mondiale, a averti le monde après la guerre, qu’il était voué à la disparition s’il persévérait dans cette voie. Mais lorsque l’intelligence des savants et des techniciens s’est une fois mise en branle, aidée de surcroît par les moyens que l’Etat leur fournit comme il ne l’a encore jamais fait à cette échelle pour des fins scientifiques, un avertissement, si bien intentionné soit-il, ne peut guère y changer quelque chose. Les savants deviennent par milliers, en tant qu’ouvriers qualifiés, les instruments de la volonté de l’Etat, qui veut avoir les outils de destruction les plus puissants, pour être constamment supérieur à l’adversaire. Beaucoup de physiciens font ce qu’on attend d’eux, ils restent enfermés dans leurs tâches techniques et n’ont pas d’idée concernant le tout. Quelques-uns sont troublés dans leur conscience ; ils hésitent, ils se dérobent à la tâche de collaborer aux instruments de destruction […] C’est ainsi que la façon d’agir et de penser de nombreux savants a pu prendre cet aspect singulier : effrayés de ce qu’ils ont fait, ils réclament dans un esprit pacifique, une solution, tout en poussant l’affaire toujours plus loin. Des hommes d’une telle intelligence veulent et ne veulent pas : ils se comportent comme des enfants et parlent de tragédie. »[5]
Quel rapport tout cela avec la finance me dira-t-on ? Ténu certes mais réel. La finance est évidemment un registre différent. Si elle contient la violence, si elle tue par l’oppression et la misère, ce n’est que par l’orientation sociale qui lui est donnée par les agents et la politique, elle n’est pas faite pour cela. Le parallèle ne porte que sur le fait qu’elle s’appuie maintenant sur des sciences de haut niveau et que l’attitude des chercheurs qui y participent pose la question de savoir s’ils assument les conséquences de la gouvernance mondiale par le système néolibéral actuel.
Car là aussi Jaspers voit terriblement juste, une fois mis au point ces techniques, une fois mis en place les institutions qui les utilisent, il est quasiment impossible d’y mettre fin, le nucléaire se poursuit avec la bombe à portée de main pour beaucoup d’Etats, et les marchés financiers ne sont pas près de céder du pouvoir au profit d’autres instances internationales.
Peut-être y a-t-il plutôt un effet « Pont de la rivière Kwaï »
Comment se fait-il qu’une part considérable des mathématiciens probabilistes du monde entier, chercheurs universitaires, chercheurs des Instituts et des Ecoles, doctorants, se soient tournés vers la finance, — une véritable armée de matière grise — avec de nouvelles revues et de nouveaux comités de lecture ? Beaucoup d’entre eux n’avaient aucune connaissance de l’économie précédemment.
Je pense à ce passage du film qui montre un trait de psychologie collective très bien observé : le colonel Nicholson met au travail ses officiers, et constatant que le temps manque, convainc même les malades et blessés de participer à la construction du pont, allant ainsi au-delà de la demande initiale du chef du camp japonais Saïto. Le travail productif et le but commun à atteindre par les Britanniques ont alors un effet très positif sur le moral des troupes. Nicholson a trouvé un moyen de remettre de l’ordre chez ses subordonnés et de leur donner un sentiment positif de fierté du travail accompli, alors qu’ils sont vaincus et prisonniers…
Les scientifiques, c’est bien connu, aiment le travail bien fait. Ils adorent les réponses convaincantes à des questions vraiment difficiles. Comprendre la bourse, représenter le mieux qu’il est possible ses agitations et trouver grâce aux outils mathématiques les plus avancés l’expression de principes pertinents entre acheteurs et vendeurs dans un univers spéculatif est une prouesse qui fascine et sur laquelle on n’a toujours pas dit le dernier mot.
Je ne jette la pierre à personne, je me suis laissé prendre, j’essaie d’analyser pourquoi et je vois deux raisons très différentes.
La première est que la spéculation c’est excitant. Encore plus que le casino. Lorsqu’on voit l’afflux vers Las Vegas, Atlantic City ou Monte Carlo, et vers les jeux d’argent en ligne, on mesure la force que peut prendre cette addiction lorsque l’intelligence des affaires et la psychologie permettent, en plus, de biaiser les lois du pur hasard. Dans une part majeure de la population, particulièrement dans les classes moyennes des pays avancés et les classes aisées des pays émergents, il y a une fierté à cet égard. Vivre le libéralisme c’est pour beaucoup exercer sa liberté à prendre des initiatives et réagir aux imprévus pour ne pas se « faire avoir ». Si un jeune a la chance d’avoir un niveau suffisant en maths pour comprendre tout cet attirail et le dominer assez pour y faire sa voie, il est auréolé d’un prestige tout particulier. Le mot excitant est le bon, il s’agit bien de libido et de sexualité donc. Comment expliquer autrement cet engouement gigantesque de titulaires de masters et de jeunes chercheurs vers les maths financières particulièrement en France où les maths rebutent un peu moins qu’ailleurs ? Les publications en mathématiques financières durant la période que nous évoquons se sont accrues 20% plus vite que les autres catégories de la classification usuelle. Le jeune dans cette voie fait des maths aux yeux de ses collègues et fait de la finance aux yeux de sa famille. Et ceci nous mène à la seconde explication plus profonde.
Certes la science est socialement construite, mais celui qui la fait est toujours dans un processus internaliste. La fécondité n’est pas dans l’interdisciplinaire, du moins pour l’instant. La transition écologique est en train de modifier cet état de choses avec l’apparition de nouvelles formes de savoir, mais à présent, c’est curieux, mais c’est ainsi. Le chercheur est dans une problématique qui s’exprime par des représentations au sein d’un langage disciplinaire. Ceci est fortement accentué par l’usage actuel des comités de lecture des revues. On souhaite que l’article proposé s’exprime dans les termes employés par les figures marquantes du domaine parce que ces termes sont pensés par les pairs comme encapsulant les vrais problèmes[6]. Dans ces conditions le chercheur dans son heuristique peut difficilement à la fois envisager la fécondité de ses idées au sein de ce langage et imaginer comment le social pourra s’en servir si les avancées auxquelles il pense sont prises en compte.
Cette question se pose précisément pour ceux qui font des applications. Dans des régions du savoir déjà très purifiées, universelles, qui ne pourront en toute vraisemblance avoir des conséquences que dans plusieurs siècles si les autres savants travaillent beaucoup, dans ces régions, l’engagement du chercheur ne se pose pas et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles l’importance de la science pure est revendiquée par les chercheurs lorsque les crédits publics sont menacés. Ceci dit, ici encore la transition écologique apportera sûrement des changements, la science pure reprenant une place importante et renouant avec les plaisirs culturels comme se fut le cas à certaines époques. Mais pour le scientifique qui investit un domaine appliqué, il y a un bain culturel accepté où il agit. Ce contexte, dans lequel s’inscrit ce qu’il fait en science, est là mais n’est pas pensé, travaillé, critiqué par lui scientifiquement. C’est un cadre vague d’assentiment, un embrayage. On ne peut pas en permanence tout remettre en cause… Seulement ces deux registres ont leurs logiques propres qui s’étendent et peuvent entrer en conflit dans leur frontière commune. Cette schizophrénie latente peut durer dans une certaine ambiguïté ou conduire à des abandons d’une des deux références comme certains comportements de « traders fous » qui ne pensent plus qu’à la compétition du profit ou au contraire comme ces ruptures pour aller élever des chèvres en Lozère comme on en voit beaucoup par exemple.
Il y a alors décrochement.
L’éducation et l’enseignement ne peuvent fonctionner autrement qu’en orientant l’étudiant vers les savoirs et les techniques où il apprend le plus aisément et où il a le plus de chances de s’insérer professionnellement [8], et il n’a guère les moyens à chaque stade de procéder à un examen approfondi de l’harmonie entre ce à quoi servent ces savoirs réellement dans la société et le système de valeurs auquel il est attaché, système qu’en général il est précisément en train de construire grâce à son expérience.
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En tout état de cause, aujourd’hui ce qui donnait du sel à l’aventure des mathématiques financières les mathématiciens l’ont compris et peuvent s’en servir au sein des mathématiques sans aller dans les salles des marchés.
Les mathématiques financières n’ont plus besoin de la finance. C’est toujours l’issue finale des applications. Un juste retour des choses. Car les mathématiciens ont besoin de nouvelles interprétations, qui jouent le rôle de lampes pour éclairer les sous-bois de la complexité, et elles leur sont souvent données par l’extérieur, des externalités qui viennent d’autres sciences, la physique en tête, des sciences de l’ingénieur et plus généralement de la modélisation. Mais une fois cette lecture comprise, le plus précieux c’est sa lumière et non les décisions sociales qu’elle rationalise. Sa lumière et les ombres qu’elle produit où d’autres éclairages seront à découvrir.[7]
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[1] Sur le plaisir en maths cf. notamment N. Bouleau Dialogues autour de la création mathématiques et La règle, le compas et le divan, Seuil 2002.
[2] Martingales et marchés financiers O. Jacob 1998.
[3] Laurent Schwartz n’était pas seulement engagé à gauche pour « sauver » les mathématiciens persécutés par les régimes totalitaires, il avait défendu courageusement le principe d’une sélection souple et équilibrée des étudiants contre la démagogie en vigueur à l’époque.
[4] « Nous exigeons l’interdiction absolue de l’arme atomique, arme d’épouvante et d’extermination massive des populations. Nous exigeons l’établissement d’un rigoureux contrôle international pour assurer l’application de cette mesure d’interdiction. Nous considérons que le gouvernement qui, le premier, utiliserait, contre n’importe quel pays, l’arme atomique, commettrait un crime contre l’humanité et serait à traiter comme criminel de guerre. Nous appelons tous les hommes de bonne volonté dans le monde à signer cet appel. »
[5] Souligné par moi. K. Jaspers La bombe atomique et l’avenir de l’homme (1958), Buchet-Chastel 1963.
[6] Le gag qui a initialisé l’affaire Sokal et les débats qui suivirent est illustratif de cette importance du langage.
[7] Ceci étant dit, il ne faut pas surestimer ce que cette interprétation apporte aux mathématiques. Pour le lecteur mathématicien je peux rappeler qu’après les travaux pionniers de Itô, l’essentiel était déjà dans le Séminaire de probabilités de Strasbourg dont le premier fascicule paraît en 1967, dans le livre de Jacques Neveu sur les Martingales à temps discret (1972) et dans traité de Dellacherie-Meyer où sont nées les notions de projection prévisible et de projection duale, d’intégrale stochastique pour les semi-martingales et autres outils utiles à la théorie de l’arbitrage. Par ailleurs le fascinant calcul de Malliavin a été inventé sans se servir de la finance non plus que la théorie des formes de Dirichlet si riches de démonstrations nouvelles. De nombreux mathématiciens ont apporté leur concours à l’analyse stochastique dans le dernier tiers du 20ème siècle mais l’impulsion principale, soutenue et imaginative, est nettement due à Paul-André Meyer qui, à ma connaissance, n’a jamais fait de finance.