Dominique Bourg poursuit le dialogue avec Nicolas Bouleau sur son livre Ce que Nature sait (PUF janvier 2021).
Dominique Bourg
Après un premier dialogue, nous allons en entamer un autre pour préciser ce que vous avez voulu faire dans ce livre, essayer de faire un pas de plus et dégager des choses qui ne sont peut-être pas dites, des questions qui ne sont peut-être pas formulées, mais que pose le livre et donc la première chose que je vous demanderai c’est de préciser ce que vous avez voulu faire effectivement. Tel que je l’ai compris vous vous adressez en premier lieu, mais pas exclusivement, aux biologistes et aux biologie de synthèse, et vous visez en quelque sorte à les faire s’interroger sur leur propre démarche, non pas simplement sur un plan épistémologique même si l’angle de la critique se situe là, derrière aussi il s’agit de les faire s’interroger sur leurs pratiques et sur les conséquences par rapport à la société en général. Vous avez, disons, deux angles d’attaque, l’un consiste à dire que lorsque les biologistes de synthèse prétendent qu’ils ne font jamais que comme la nature, ça n’est pas vrai parce que précisément, vous le montrez dans le livre, la notion de hasard brut que l’on emploie dans ce cas est erronée — c’est une des choses que vous allez essayer de nous montrer mais qui est vraiment bien précisée dans le livre — et l’autre angle c’est une démarche critique sur une prétention du réductionnisme, vous allez montrer pourquoi cette prétention ne tient pas. Alors cette démarche critique négative pose aussi, à mes yeux, des questions plus positives, c’est-à-dire qu’on comprend très bien qu’il y a des connaissances auxquelles on n’accédera jamais mais ces connaissances inaccessibles vous les énoncez à partir de ce que vous appelez une expérience faite par la nature elle-même avec ces trois milliards et demi d’années d’existence, et c’est le statut de cette expérience, le statut ontologique de cette connaissance qui mérite d’être questionné. Mais ça c’est la deuxième phase nous verrons si nous aurons le temps de l’aborder. Est-ce que vous voulez bien préciser votre cible et ce que vous critiquez par rapport à votre cible?
Nicolas Bouleau
En effet dans ce livre je m’adresse plus particulièrement aux scientifiques et parmi les scientifiques aux biologistes de synthèse parce que je pense que ma position de scientifique me permet de parler plus en profondeur de ce sur quoi ils croient pouvoir s’appuyer. Donc c’est effectivement mon propos. Je pense néanmoins que ce type d’approche peut également concerner les gens qui s’intéressent à l’écologie en général parce que cela a des répercussions sur les enjeux n’est-ce pas. Alors je peux expliquer plus en détail le problème de la nature et du hasard. C’est un point très important parce que c’est l’argument principal de ceux des biologistes de synthèse qui sont en faveur des OGM. Pour dire les choses rapidement il y a deux grandes branches de la biologie moléculaire aujourd’hui. L’une, qu’on peut appeler l’usine cellulaire, consiste à bien comprendre le fonctionnement d’une cellule pour essayer de lui faire fabriquer des produits comme les levures transforment le sucre en alcool puis en acide. C’est ainsi qu’on a synthétisé l’artémisinine qui est un produit contre le paludisme ou bien l’hydrocortisone, c’est l’usine cellulaire. Et puis il y a une autre branche très importante lorsqu’on coupe, qu’on enlève, ou qu’on rajoute des segments à des ADN, c’est la biologie qui se focalise sur les molécules de l’hérédité des êtres vivants. Alors ça évidemment c’est nouveau et l’argument principal qui est donné consiste à dire : la nature procède au hasard alors que nous nous ne procédons pas au hasard nous avons une intention et cette intention est valide parce qu’elle est humaine et sociale etc. Il faut, à ce point, dire un quelques mots sur le hasard.
DB
On rappelle que vous êtes probabiliste notamment, comme mathématicien.
NB
Alors si on prend une pièce est qu’on la jette en l’air elle tombe sur pile ou face et c’est au hasard parce que son mouvement est si compliqué qu’on n’arrive pas à savoir si elle tombe plutôt sur pile que sur face, de même la bille de la roulette tombe entre 1 et 36, et dans ces deux cas on peut vérifier statistiquement que les lois du hasard sont satisfaites en répétant l’expérience un grand nombre de fois. Mais la nature, en fait, est surtout constituée de situations très circonstanciées, d’une certaine façon il n’y a pas de hasard dans la nature, sauf à aller vers le hasard quantique ou le hasard de l’agitation thermique, c’est-à-dire des choses qui sont ultra microscopiques. Macroscopiquement on n’a que des situations particulières. En biologie il y a évidemment un phénomène qui est très souvent cité c’est la méiose qui est ce partage de la cellule pour faire des cellules germinales, avec une partie du patrimoine paternel et une partie du patrimoine maternel qui feront celui du rejeton. Peut-être y a-t-il une certaine forme de hasard mais je pense que même dans cette situation c’est très circonstancié, ça ressemble beaucoup plus à ce qu’on appelle les nombres pseudo-aléatoires qui sont fabriqués par des mécanismes déterministes et qui néanmoins ont quelques propriétés du hasard. La thèse que je défends est la suivante : il faut deux choses pour faire du hasard, il faut un champ, le champ des éventuels, et un dispositif pour piquer dans ce champ d’éventuels. C’est une notion duale. Or, si on s’intéresse aux molécules qui sont produites par de la synthèse réussie, le mot « réussie » à beaucoup d’importance, c’est-à-dire des molécules qui ont une stabilité suffisante pour exister un certain temps dans les êtres vivants, cela ne constitue pas un champ sur lequel le hasard puisse s’appliquer. Pourquoi ? Parce que cet ensemble des molécules qui sont réussies on ne le connaît pas, il n’est pas à disposition, on l’aborde progressivement par des expériences, et donc c’est un abus de langage que de parler de hasard parce qu’on n’a pas l’effectivité d’une situation au hasard. Ce champ des molécules qui sont obtenus par la synthèse chimique et qui sont réussies on ne le connaît pas. En plus la nature procède très lentement et avec des sélections. Elle sélectionne en fonction de ce qui se passe c’est-à-dire en fonction de ce qui fait sens, on peut dire sens selon l’angle darwinien, c’est-à-dire du phénotype, des fonctions, à quoi ça sert, et avec toute la complexité de la nature, les parasites, les êtres qui sont autotrophes, ceux qui sont hétérotrophes, etc. Donc elle fonctionne avec le sens, et là le parallèle avec la linguistique est tout à fait frappant. Je pense qu’il faut citer ici Georges Matheron. Un mathématiciens et statisticien, fondateur du centre de géostatistique de fontainebleau, qui a été le premier je crois à pointer ce phénomène. Il explique très clairement dans son ouvrage (Estimating and Choosing 1989) que dire qu’une situation est au hasard ce n’est pas dire autre chose que nous ne disposons pas des moyens statistiques pour réfuter le modèle probabiliste. Donc dire que nature est au hasard c’est une abstraction formidable. C’est tout à fait comparable à l’idée d’arbitraire du signe de Saussure. Le signe chez Saussure, n’est-ce pas, c’est la correspondance entre le signifiant et le signifié, correspondance très complexe dans le cas de la nature entre les gènes et le phénotype donc entre une inscription littérale et puis du sens. Il y a les fameux phénomènes d’épistasie et de pléiotropie qui font que cette correspondance ne peut pas être biunivoque, évidemment, de toute façon ce n’est pas vraiment une correspondance puisque du côté du sens on ne sait pas très bien ce qu’il y a. Le fait est que la nature procède par le sens et si on fait comme Saussure en disant que le signe est arbitraire, ça revient à dire que la nature est arbitraire. Mais dans le domaine des langages le signe n’est pas arbitraire, c’est une vision structuraliste du langage tout à fait similaire à la vision axiomatique de la nature qu’on a dans le courant réductionniste. Si on prend le mot chêne qui désigne cet arbre qui a des glands, chêne vient de quercus latin et d’une racine indo-européenne qui voulait dire solide, dur, avant que ça porte sur un arbre, donc les mots ont une histoire et d’une certaine façon dire que la nature est au hasard c’est un peu comme si on disait que l’histoire est au hasard, ça revient à se positionner comme si nous mêmes nous étions en dehors de la nature et que nous la regardions comme quelque chose qui n’a aucun sens, c’est une vision axiomatique de la nature, je crois qu’il faut absolument en avoir conscience et la dépasser.
DB
Alors juste simplement précisons pour un lecteur qui n’aurait pas vos connaissances pour bien comprendre, on pourrait dire qu’il y a une forme d’analogie entre le sens d’un mot et puis par exemple la molécule qui va réussir à perdurer ce qui serait le sens dans la nature.
Donc si j’ai une vision purement abstraite, en partant de l’arbitraire du signe, finalement je fais comme si le jeu de différenciation entre les signes était au pur hasard, alors que pas du tout, il est lié à un référentiel, il est lié à la construction d’un sens, et en fait dans la nature c’est la même chose. Mais alors cette question du sens, on l’a compris, est inséparable du contexte, ce qui fait le sens c’est la relation au contexte et c’est la pertinence par rapport à contexte.
NB
Et le contexte lui-même évolue…
DB
Il y a une interaction permanente entre les éléments qui peuvent se combiner et l’évolution du contexte lui-même. Alors ça voudrait dire que la nature elle-même, comme un locuteur, possède ce sens – c’est une façon de parler, on fait comme si – et donc en possédant ce sens, si on suit la comparaison avec le locuteur, celui-ci ne mélange pas les signes aux hasard, il les associe parce qu’il cherche un sens et d’une certaine manière, la nature va chercher la molécule qui perdure, elle va chercher la molécule qui offre un intérêt fonctionnel dans un contexte. Ce que je comprends c’est qu’elle dispose aussi de l’infini des possibles mais cet infini des possibles elle le lie avec le sens, de même que nous quand nous construisons un texte nous le lisons avec le sens.
NB
Je ne suis pas sûr qu’on puisse dire qu’elle ait à sa disposition l’infinité des possibles, je ne pense pas qu’on puisse dire cela.
DB
Justement c’est pour cela que je pose la question.
NB
Comme pensaient un certain nombre de critiques du livre très célèbre de Jacques Monod, en particulier le biologiste Schoffeniels et également Albert Jacquard, je dis que nous ne connaissons pas les mécanismes très fins qui font les mutations. Les mutations se produisent dans un contexte qui est le noyau et il y a là tout un système de petits rouages que nous ignorons et qui produisent des choses assez variées. Il n’est pas certain que la nature ait à disposition tous les changements qui sont envisageables dans l’axiomatique de la vision réductionniste de la cellule. Mais en effet il semble qu’elle puisse produire une grande variété et qu’ensuite cette variété soit sélectionnée en fonction du contexte.
DB
Et donc quand on parle de hasard c’est parce que on se situe à un niveau d’abstraction énorme et précisément parce qu’on méconnaît ces mécanismes plus fins. Donc si nous prenons par exemple la critique de Bergson dans l’évolution créatrice quand il parle de la larve de l’œstre du cheval, l’idée est la même, c’est-à-dire qu’en fait le système présuppose une connaissance qui va largement au delà effectivement de la larve elle-même puisque pour que ça fonctionne tout se passe comme si la nature avait connu et prévu par avance tout le parcours que la larve va faire. Et donc en disant cela on met simplement en défaut la possibilité de comprendre par un mécanisme très simple macro qu’on appelle le hasard. Après Bergson va parler d’évolution créatrice, mais ce qui est intéressant c’est qu’on peut trouver bien d’autres exemples comme ça où effectivement on est confronté à des phénomènes complexes et on met en évidence que le niveau d’abstraction dont on prétend qu’il est en lui-même explicatif, en fait il ne l’est pas.
NB
Oui, mais peut-on transposer la pensée de Bergson dans la situation dans laquelle nous sommes après la seconde guerre mondiale où on a effectivement la combinatoire qui vient modifier la plupart des repères épistémologiques ? En particulier toute cette façon de s’exprimer : la nature sait, la nature ne sait pas, ce sont des façons de parler. Moi ce que je dis c’est qu’il y a de l’ignorance et de l’ignorance fondamentale, définitive. Et ça je l’explique d’une façon très concrète en prenant l’exemple des algorithmes d’apprentissage, d’une certaine façon avec tout le vivant la nature fait une sorte d’apprentissage et évolue en tenant compte de ce qui se passe pour chaque vivant dans son contexte. Et dans cette évolution évidemment il s’est produit des drames, il s’est produit des catastrophes, des chutes vers le bas, c’est-à-dire des périodes où les êtres vivants évolués ont été détruits où beaucoup d’entre eux ont disparu, et donc l’idée qui me paraît vraiment forte c’est que le bilan de toute cette évolution : catastrophe évolution catastrophe évolution catastrophe… n’est pas sans intérêt, n’est pas neutre, il y a là une sorte de capital, de savoir parmi les êtres vivants qui sont les héritiers de ceux qui ont résisté à toutes ces catastrophes il y a là une certaine forme de savoir entre guillemets. Ça n’est pas savoir avec une pensée, savoir par une représentation.
DB
Seulement quand vous parlez d’algorithme d’apprentissage, pour affiner les choses par rapport à la pure expression « la nature sait » en fait, par rapport au problème de fond on n’a pas progressé d’un iota. Ce que je veux dire par là c’est qu’un algorithme d’apprentissage c’est un sujet conscient pour le coup qui le construit, et il conçoit un mécanisme qui peut engranger une expérience et s’affiner. Mais l’idée du sujet connaissant fait qu’il ne fonctionne pas tout seul, il a été conçu et donc on recule d’un cran mais par rapport au problème que pose l’expression « la nature sait » ça ne change rien, simplement on a affiné en terme de présuppositions, on est parti de la présupposition très générale « la nature sait » et là on a trouvé une image un peu plus fine qui est celle de l’algorithme auto-apprenant mais la question ontologique est la même, c’est-à-dire celle d’un savoir sans sujet.
NB
Avec une nuance : dans les algorithmes d’apprentissage n’y a pas de catastrophe. Ce sont les algorithmes avec lesquels on fait de la reconnaissance de la parole, plus on leur donne des choses puis ils apprennent, c’est une espèce de croissance continue et d’ailleurs c’est tout à fait dans la ligne de ce que disaient Fisher, Hamilton et Dawkins. C’est plus ou moins ce qu’on appelle l’algorithme du recuit simulé. C’est croissant et cela se relie effectivement à une certaine philosophie de la science que tout ça progresse et que le réel est même fabriqué par ce que nous connaissons etc. etc. Là le fait tout à fait nouveau c’est qu’il y a des effondrements et il y a de l’effacement. Et ce qui existe aujourd’hui parmi les êtres vivants ça n’est pas l’accumulation de ce qui s’est passé ça ressemble à un algorithme d’apprentissage un peu boiteux, saccadé. Il a subi un très grand nombre de désastres et en même temps il a essayé des choses que nous ne connaissons pas, parce que ça a été effacé. Le fait que ce soit effacé est très important parce que c’est ça la raison du fait que certaines molécules ne peuvent être obtenus par la synthèse qu’en passant par des molécules beaucoup plus compliqué et donc ça veut dire que la molécule ne témoigne pas en elle-même du trajet qui a été fait pour la concevoir. Il y a des boucles.
Mais en effet tous les propos que je développe sous ce registre sont dans le but de contester une certaine vision scientifique conquérante et simpliste, en effet, mais je n’aborde pas les problèmes, je dirais, de la morale et l’éthique vis à vis du vivant.
DB
Si, dans le livre vous finnissez par les aborder. Mais revenons, c’est très important pour affiner les choses. La différence énorme avec un algorithme d’apprentissage, vous venez de le dire, c’est que là où on a une continuité une simple accumulation on ne l’a plus. C’est-à-dire qu’effectivement il y a des catastrophes, il y a des ruptures et c’est ce qui fait que nous ne puissions pas remonter la chaîne, c’est-à-dire qu’il y a des éléments qui nous manquent à jamais, mais en même temps la nature elle-même entre guillemets dans ce qu’elle permet aujourd’hui elle a en quelque sorte enregistré certains acquis de ces catastrophes ou pas ? Qu’est ce que vous diriez ?
NB
Le mot enregistré est trop fort. Je dis des choses très simples c’est que les catastrophes sont toujours vers le bas, c’est-à-dire que ce sont des catastrophes qui diminuent ce que j’appelle la diverxité, la diversité-complexité, de la nature et ça ramène vers des êtres qui sont plus proches des bactéries, des archées, des êtres monocellulaires ou des métazoaires les plus simples. Donc on ne peut pas dire enregistré… Après une catastrophe ça recommence, et ça repart dans une direction qui est différente de celle qui a échoué et puis de nouveau il va y avoir des petites puis des grandes catastrophes etc. Et donc ce à quoi ça fait penser c’est que ça n’est pas n’importe quoi. Parce que précisément cette expérience a été extrêmement longue, là les ordres de grandeurs sont fondamentaux, et donc nous devons en tenir compte et nous pouvons dire que ça donne une valeur à ce trajet qui a été fait. Ça donne une valeur à ce trajet, et là il y a deux arguments : le fait qu’il y a des catastrophes mais également le fait qu’il y a des boucles qui donnent du simple à partir du complexe, et ça aussi c’est un phénomène qui nous échappe parce que ces boucles nous ne les avons plus. Quand on regarde les bactéries qui sont fossiles on n’a que leur forme on n’a pas leur ADN et donc on ne peut pas faire la paléontologie complète, donc il manque un grand nombre d’éléments. Résumer cela de façon simple je ne pense pas que ce soit évident. Ce savoir de la nature non seulement on peut dire que nous l’ignorons mais en plus pour le qualifier davantage nous n’avons pas les outils pour le faire, parce que c’est simplement une sorte de constat.
DB
Mais amusons nous à reprendre l’image de Galilée : le grand livre de la nature. Si on regarde du côté du vivant, non pas du côté de l’astronomie, mais du côté du vivant, on a affaire à un livre qui a été réécrit plusieurs fois. Dans ce livre il nous manque des pages extrêmement importantes, et en fait, quand on dit, par exemple, la nature agit au hasard, on veut simplement dire par là, que nous ne comprenons pas le livre en question. On va réussir à comprendre des morceaux de phrases isolés. C’est une façon de dire un peu imagée. En revanche la nature elle a une forme de mémoire, je dis bien une forme de mémoire, des livres antérieurs, et donc il y a une espèce de prétention, comment dire, qui est terrible, quand on passe du savoir, de la partie qu’on connaît, à l’agir. Parce que là on fait un saut. Et qu’on ne comprenne qu’une partie des choses et qu’on comprenne qu’on ne comprenne qu’une partie des choses c’est très bien, mais en fait ce que cherche à faire le scientifique quand il devient biologiste de synthèse, c’est de faire comme s’il comprenait ce livre et les livres antérieurs en prétendant lui même insérer dans ce livre des phrases et en plus en améliorer le contenu.
NB
Oui, et je pense qu’à ce point de discussion ce serait intéressant que j’expose mon idée de Rn-isme parce qu’on est en plein dessus. Le plus simple c’est de prendre la cellule. Je pense qu’il faut aller un peu au détail. Les microscopes optiques ont un pouvoir séparateur de l’ordre de la dizaine de microns or c’est à peu près la taille des plus petites cellules vivantes et donc on a commencé l’étude des cellules, et puis après la guerre les microscopes électroniques sont allés jusqu’à un pouvoir séparateur d’une dizaine d’Angströms et là on a commencé à voir la silhouette des grosses molécules, alors dans l’étude de la cellule, qui s’appelle la cytologie générale, qu’est ce qu’on fait ? Eh bien on regarde ce qu’il y a dans le protoplasme : il y a toutes sortes de produits, des glucides, des lipides, des protides, il y a des acides aminés l’acide glutamique, aspartique, etc. une vingtaine, et puis il y a des ribosomes, des mitochondries, et puis il y a des membranes, une membrane extérieure et une membrane autour du noyau pour les eucaryotes, et il y a un certain nombre de dynamiques, le système de Golgi, le cycle de Lippmann etc., et on étudie tous ces phénomènes. Qu’est ce que ça veut dire comprendre la cellule ? Cela veut dire trouver le rôle de chacun de ces produits, de chacun de ces systèmes, dans l’ensemble du métabolisme de la cellule en fonction de l’énergie et des produits qu’elle reçoit et de ce qu’elle rejette pour le métabolisme général avec des rôles qui sont conformes à ce que disent les lois de la physique et les lois de la chimie. N’est-ce pas c’est ça comprendre la cellule. Et alors qu’est ce qu’il se passe ? Il se passe que il y a des petites choses qui ne servent à rien. Parce que les cellules c’est d’une variété phénoménale, il n’y en a pas deux pareilles, ou bien alors il faut les prendre vraiment dans le même tissu du même être vivant. Si on les prend dans les tissus différents elles sont différentes, si on prend chez des êtres vivants différents elles sont différentes, il y en a une variété formidable, et donc quand on dit comprendre la cellule, c’est faire fonctionner une certaine rationalité avec ce que nous avons observé et il y a toujours des formes, des dispositifs, des choses qui ne servent à rien. Ça veut dire quoi « ne servent à rien » ça veut dire que la rationalité du modèle n’est pas affectée si on les enlève. Ça fait un peu penser à la philosophie de Malthus, à des gens qui sont inutiles, qui n’ont pas de place autour de la table au banquet de la nature. Malthus parle bien de la nature.
Mais en fait tout ce que je raconte là pour la cellule vaut aussi pour un écosystème. Un écosystème on va le penser avec les êtres vivants qu’on va répertorier on va regarder les déséquilibres, les flux, l’énergie, les produits qui entrent et les produits qui sortent, on va essayer de comprendre les êtres vivants qui se nourrissent des autres qui sont hétérotrophes, ceux qui sont qui se nourrissent par la photosynthèse et finalement on va avoir un modèle à n dimensions dans Rn, c’est ce que j’appelle le Rn-isme. On a représenté l’écosystème. Evidemment ça ne va représenter que ce qu’on aura compris, ce qu’on aura mis dans la liste. Et on est exactement dans la situation où certains écologistes ont fait un parallèle avec l’économie lorsqu’ils disent qu’une fonction biologique c’est un métier en économie. Ils ont fait une traduction. Cela témoigne vraiment d’une démarche qu’il faut ramener à sa place : en fait on pense l’écosystème comme une entreprise, avec sa fonction de production, éventuellement une fonction de Cobb-Douglas, c’est-à-dire une fonction de production qu’il faut essayer d’optimiser comme on optimise le fonctionnement d’une entreprise en économie néoclassique. Donc là on voit qu’avec cette modélisation dans Rn on laisse passer l’essentiel de ce dont nous parlions tout à l’heure, que nous appelons « le savoir » de la nature. Et donc on a une situation d’une nature axiomatisée. Et ce n’est plus sur la nature qu’on expérimente mais c’est sur le modèle.
DB
Une caractéristique très forte du modèle c’est que lui ne connaît pas d’histoire, il est intemporel absolument, c’est comme la philosophie analytique.
NB
Oui. On peut éventuellement rajouter aux n dimensions une n-plus-une-ième avec des vitesses d’évolution, des vitesses de réactions, etc.
DB
On essaie de réduire le temps. Ce qui est très important c’est si on passe de l’épistémologie à l’ontologie. Ce qu’on fait avec, ce qu’on tire de nos connaissances et lorsqu’avec ces savoir-faire on interagit avec le milieu, c’est là qu’on s’aperçoit qu’on n’a pas la compréhension générale parce qu’on génère des surprises et au bout du compte on génère beaucoup de destructivité. Le problème est que cette destructivité fait rapporter de l’argent.
NB
C’est important, et tout à fait important de le dire. Et le fait que ce courant de l’écologie odumienne qui finalement prend similitude avec l’économie, il faut en prendre conscience pour comprendre les limites de cette approche. Plutôt que de dire le modèle c’est ce que nous comprenons donc c’est ce qui est important parce que c’est ce qui concerne de l’homme, il faut au contraire adopter une attitude d’écoute beaucoup plus ouverte aux choses qui sont révélées par la vie elle-même tout en étant vigilant éventuellement sur certains déséquilibres qui peuvent être dus d’ailleurs à ce que fait l’homme parce que dans notre conversation nous n’avons pas insisté là-dessus mais la nature, avec ce savoir délicat à définir, en tout cas il y a des choses qu’elle ne sait pas du tout c’est réagir aux artefacts parce que sur ce point-là elle est complètement démunie.
DB
Là on est au cœur du sujet, est-ce que vous pouvez un peu expliciter. Parce que c’est précisément la pointe de votre critique. Le biologiste de synthèse lui il prétend « je vais faire ce que fait la nature mais je le ferai mieux parce qu’elle procède au hasard et moi j’ai un savoir d’une certaine manière ».
NB
Oui c’est le discours qui est tenu. Et je crois que c’est d’une naïveté formidable, c’est confondre le modèle qu’on a construit fini-dimensionnel qui est très réducteur et qui oublie un grand nombre de choses, avec la nature véritable et en particulier c’est gommer complètement ce qui s’est passé. On n’est pas dans une salle blanche à essayer de refaire la nature. Non, là n’est pas le problème, on n’est pas du tout dans cette situation. On est dans une situation où il y a beaucoup de bactéries, beaucoup de virus, des molécules, et il y a une histoire qui s’est déroulée. Votre formulation très résumée est tout à fait typique en effet de ce qui est dit et écrit, même par de grands scientifiques.
Le fond de ma pensée c’est que nous sommes très l’influencés dans le type de science que nous fabriquons par notre système économique, c’est vraiment cela qui se passe. Notre système économique adore les petits modèles qui sont des modèles fini dimensionnels où on peut optimiser parce que, en économie, il y a quelque chose qu’on optimise, c’est le profit, c’est l’argent, et donc là il y a une grandeur scalaire qui permet de tout ramener à des optimisations. Alors que dans la nature qu’est ce qu’on optimise, ce n’est pas clair, on a cru pendant un moment que ça optimisait l’énergie, mais les systèmes ouverts c’est beaucoup plus compliqué que cela, il y a des flux, il y a des formes en dehors de l’équilibre, c’était des travaux de Prigogine etc.
J’ai l’habitude de bien distinguer deux grands volets de la science qui sont : la science nomologique faite de lois, de nomos la loi, on trouve une régularité et on essaie ensuite de voir sur une circonstance particulière si on est dans le champ ou en dehors de cette régularité, et donc on précise le champ de la loi. C’est la science telle qu’elle a été faite sur la physique au 19e siècle.
DB
C’est la poursuite de Galilée Newton.
NB
Oui tout à fait, le système solaire est une espèce de système avec des lois (encore que bien sûr et là il y aurait beaucoup à dire avec la matière noire aujourd’hui il y a toute une partie de l’univers qui est inconnue enfin nous n’allons pas rentrer dans cette histoire tout à fait frappante ici) mais il y a une autre dimension de la science qui est la science de la précaution, la science interprétative sur les éventuels. J’ai pas mal travaillé là dessus je crois que c’est très important et j’ajoute que pendant longtemps j’ai pensé que c’était la grande dualité dans la construction de connaissance jusqu’à ce que je me rende compte qu’il y avait une troisième dimension, la combinatoire, qui est vraiment d’une nature différente et qui probablement, si j’ai raison, explique le fait que la démarche des biologistes de synthèse est une démarche qui utilise une science qui n’était pas adaptée à ce sujet. Ils utilisent la science nomologique de façon aveugle sans tenir compte des particularités essentielles de la combinatoire.
DB
Est-ce que vous pouvez nous les rappeler ces particularités qui font qu’on ne peut pas justement plaquer le modèle nomologique classique de la science du système solaire ?
NB
Je dirais que la science classique est une science qui est faite de lois et d’approximations. Approximations et précision, c’est vraiment cela la science du 19e siècle et du début du 20e siècle y compris la mécanique quantique. Je prends souvent l’exemple des intempéries. La météo c’est très intéressant. Les anciens ne comprenaient pas les intempéries et donc ils les ont attribué à des entités savantes, la foudre c’était Zeus, le vent c’était Eole, les tempêtes Poséidon. Le roi Agamemnon, d’après la légende, était même prêt à sacrifier sa fille pour obtenir du vent pour ses bateaux, et puis on a constaté des régularités, aussi dans d’autres civilisations, on a dégagé des climats régionaux, climat continental, climat océanique et puis vers le 18e siècle on a compris le rôle de la lune qui n’est pas si évident parce que les marées sont toutes les douze heures et non toutes les 24 heures etc., et puis le rôle du soleil et puis au 20e siècle on a commencé à résoudre les équations de la mécanique des fluides, c’est-à-dire les équations de Navier-Stokes, et on a développé la météorologie contemporaine. Il se trouve que ce sont des équations sensibles aux conditions initiales. Quand on fait de la modélisation c’est intéressant parce que ça diverge et donc plus on s’éloigne par rapport à l’instant présent et plus on est à côté de ce qui se passe effectivement parce que ce qui se passe n’est jamais qu’une trajectoire parmi toutes les trajectoires divergentes. Et alors qu’est ce qu’on a fait ? On a installé des observatoires sur le territoire et des dispositifs qui captent les différentes grandeurs de la météorologie et on a procédé à ce qu’on appelle de l’assimilation numérique : on recale en permanence le modèle sur les observations qui sont recueillis par les observatoires. Donc on voit que dans cette science les mots clés ce sont précision et approximation. Bien sûr c’est un domaine qu’on ne connaît pas au détail la météorologie mais on l’approche par la précision et l’approximation.
DB
La même chose avec le climat. C’est important parce qu’en général on distingue toujours météo et climat mais en fait la démarche est la même.
NB
Absolument et donc pour répondre à votre question, la combinatoire c’est complètement différent : il s’agit de nombres entiers. Pourquoi de nombres entiers parce qu’il y a des atomes avec des valences et puis il y a des configurations spatiales de molécules, il y a la stéréochimie, il y a des problèmes dans l’espace un peu comme les polyèdres qui intéressaient déjà les Anciens. Il y a des nombres entiers un peu comme les cristaux dont parlait Schrödinger dans Qu’est ce que la vie? Il le disait avant de le savoir véritablement. Et donc la combinatoire ce n’est plus une question de précision et d’approximation on est dans une situation nouvelle, des constructions qui viennent se caler dans des situations particulières, et là je dis que la science habituelle la science nomologique faite de lois, est extrêmement démunie. Ça fait un troisième volet de la connaissance.
DB
Ça c’est un point très important c’est que le domaine combinatoire est très différent de la science nomologique, on n’a pas de lois.
NB
Enfin peu de lois. Ou bien on pourrait dire un très grand nombre de toutes petites lois très circonstanciées. On est très contents d’en trouver parce que c’est la science qu’on a l’habitude de faire.
DB
L’économie c’est de nouveau cela. Dans ce qu’elle a de plus sérieux c’est souvent des approches plutôt micro. Les grands modèles ne marchent pas mais en revanche elle a acquis un savoir sur l’enchaînement de petits phénomènes.
NB
Oui et c’est lié à ce qu’on disait tout à l’heure sur le Rn-isme, elle a des modèles, elle a simplifié la notion d’entreprise pour lui donner un certain nombre de paramètres en capital, en salaires, etc. et une fois qu’elle a ce petit modèle de l’entreprise qui a simplifié beaucoup de problèmes, elle est capable d’optimiser ou proposer des optimisations pour ce type de concepts qu’elle a fabriqué, de la même façon pour comparer les objets qui sont à vendre sur un marché elle les standardise parce que sinon les comparaisons ne sont pas possibles. Et quand on a une pomme particulière qui vient d’un verger en permaculture ou autre, en regardant la pomme on n’a pas par l’économie les détails des constitutions de l’objet précisément parce que c’est un objet naturel. Donc là on voit bien, en effet, des liens très forts entre notre construction de connaissances classique et notre économie contemporaine.
DB
Ce qui a été conçu par les grands rêves de Walras d’être le Newton des sciences sociales.
BN
Oui, Léon Walras le fils, parce que Auguste son père était beaucoup moins formaliste
DB
Malheureusement c’est le fils qu’on a suivi…
Bon nous sommes restés du début à la fin sur la question épistémologique. Vous l’avez bien fait en montrant la différence entre les trois sortes de science : combinatoire nomologique, et interprétative. Mais vous avez donné peu d’exemples sur ce que vous avez appelé la science de précaution, la science interprétative, est-ce que c’est vraiment une science ? Ou est-ce que c’est plutôt une espèce de sagesse pratique inspirée de connaissances ? Ce n’était pas clair.
NB
Dans un précédent livre je prends l’exemple du permafrost que j’évoque aussi dans celui-ci. Je crois que l’approche de Hans Jonas est très métaphysique mais on peut lui donner un contenu concret très intéressant c’est-à-dire qu’il me semble que très fréquemment il y a un germe de connaissances qui nait quelque part d’une crainte. Nous sommes ainsi constitué que la crainte nous faire réfléchir, nous fait penser, et d’ailleurs cela je l’ai expérimenté moi-même pour ma recherche en mathématiques. Il y a une vraie anxiété de savoir si telle chose était vraie ou non, qui engendre une forte motivation pour le travail intellectuel. Les craintes ne sont pas des choses qu’il faut balayer, elles ont une certaine valeur, seulement elles sont subjectives, elles sont locales, – à notre époque où il y a plein de baratin et de fausses nouvelles sur internet il faut faire très attention – elles naissent parfois dans des situations qui sont très locales mais qui peuvent avoir une certaine valeur, et alors là, il y a un vrai travail scientifique qui consiste à voir si elles peuvent déboucher sur un contenu désintéressé, c’est-à-dire sur un contenu qui concerne la collectivité dans son ensemble, et ça je pense qu’il y a pas mal d’exemples. D’une certaine façon la naissance du prion lorsque l’on discutait de la vache folle et qu’on regarde toute cette affaire on s’aperçoit qu’effectivement il y a la naissance de préoccupation qui ensuite prennent une tournure plus collective. Donc ça ressemble un peu à ce que Michel Callon appelait les groupes concernés et l’accompagnement des scientifiques sur une préoccupation. Il se plaçait sous un angle plus sociologique, moi je pense que d’un point de vue épistémologique de la connaissance il y a là le germe d’une procédure d’une tentative pour essayer, qui donne de la valeur à la connaissance d’éventuels, des éventuels construits qui ont une sorte de solidité. C’est ce que font – voilà le meilleur exemple j’aurais dû y penser dès le début – c’est ce que font les climatologues qui font des anticipations sur ce qui va se passer à 2 degrés ou un degré et demi c’est de l’éventuel dont ils parlent mais c’est un éventuel qui est travaillé, qui est construit, auquel on a donné toute la force de son propos. Or là il ne s’agit pas de science nomologique il s’agit effectivement d’une construction d’une science qui reste interprétative mais avec une valeur de la construction interprétative.
DB
Alors arrêtons nous là parce que ça c’est très intéressant, c’est très important parce que justement si on regarde la réaction du cœur hiérarchique et du moteur économique de la société, s’il y a une science qu’il n’entend pas, c’est celle là. La seule science qui l’intéresse c’est la science réductionniste en harmonie avec les petites optimisations économiques alors que précisément on s’aperçoit que la somme des petites optimisations économique ça donne le désoptimal absolu sur le plan de l’insertion des sociétés humaines dans leur milieu naturel, et c’est là où j’ai un peu des doutes si vous voulez, non pas sur le fond, mais sur la pertinence non épistémologique mais effective de votre démarche parce que vous-même vous montrez que les conditions fondamentales d’acceptation de la visée très réductionniste ce sont des conditions économiques et c’est l’appât du gain. Comment voulez-vous avec un raisonnement fragiliser l’appât du gain ? Pour moi ça relève de ce que j’appelle un paradigme, on voit bien dans la manière dont s’est imposée l’approche mécaniste du monde, qu’elle est paradigmatique, c’est-à-dire que c’est une façon de voir qui à un moment donné, au même moment, sur le continent européen, va s’imposer de la même manière à tout un tas de figures fondamentales qui vont créer la science moderne dont aucune n’a décidé et aucune n’a décidé évidemment encore plus de le remettre en question. Et c’est un bouleversement de ce type-là qui nous permettrait de changer, alors peut-être que c’est la hauteur des dégâts qu’on va engendrer qui va finir par faire bouger.
NB
Vous mettez le doigt, en effet, sur une certaine faiblesse, je le reconnais, de ma démarche, d’un certain point de vue. Mais a contrario je dirai que le discours qui consiste à s’émerveiller de la nature, avoir de l’empathie avec les êtres vivants, les animaux, les plantes, un peu comme ça se passe actuellement, c’est aussi un discours d’une très grande faiblesse parce que ça conduit plus ou moins à privilégier dans les parcs zoologiques les animaux qui ont un public, ça consiste à dire : les chats c’est très gentil ça caresse les jambes pour demander à manger, mais en fait il y a plein de chats dans les périphéries des villes qui n’arrêtent pas de tuer les oiseaux sans les manger. C’est très faible aussi parce que ça favorise les faux dévots de l’écologie.
DB
Ça c’est important, qu’est ce que sont ces faux dévots ? Est-ce que vous pouvez préciser cela ? Et peut être on pourra clore cette séquence là dessus.
NB
C’est la raison pour laquelle ma démarche a été d’employer des matériaux argumentaires proches de ceux qu’utilisent les scientifiques et les biologistes de synthèse, c’est pour ça que j’ai suivi cette démarche. Parce que j’ai pensé que lorsqu’il s’agit d’un discours dans le registre des émotions, ce discours là existe depuis longtemps en fait depuis l’Antiquité déjà. Et c’est vrai que nous avons de l’émotion avec la nature. Ceci dit les tartuffes de l’écologie ce sont ceux qui ont compris que c’était plaisant, et qu’en effet on pouvait avoir un public avec ça, et que c’était tout à fait compatible avec ce qui se passait, et avec la « bienveillance » du capitalisme, il faut quand même savoir que le mot écosystème, là où il est le plus employé c’est dans les écoles de commerce et dans les MBA où l’on explique que le commerçant a son écosystème avec ses clients et avec ses producteurs. Et les faux dévots utilisent la facilité avec laquelle on peut adopter ce point de vue, qui ne changera rien à la réalité économique.